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1) Les cinémas à Hénin-Beaumont pendant l'entre-deux-guerres

Dès 1919, le réseau de salles de cinéma va progressivement se mettre en place. De ce maillage d'établissements cinématographiques, trois salles obscures aux noms évocateurs vont se distinguer et rythmer les distractions des héninois : Apollo, Caméo et Capitole vont devenir les pôles de divertissement de toute une population avide de joie et de gaieté au sortir d'une longue semaine de labeur.
De 1919 jusqu'à l'arrivée du parlant au début des années trente, Hénin-Liétard possède en ses murs quatre exploitations cinématographiques dites « libres ». Deux salles continuent l'exploitation d'avant guerre : le Cinéma Français de Jules-Ernest Larrivière situé rue Jules Guesde, ancienne rue de Bon-Secours, et l'Alhambra du boulevard Fallières qui prend la suite du cinéma Mellin. Deux sont de création d'immédiat après-guerre : l'Apollo situé place Loubet, futur place Wagon, et le Familia, rue Elie Gruyelle qui va devenir le capitole en 1933.
Placé à l'intersection du boulevard Fallières et de la rue de Douai près du coron de la Filature, le cinéma Alhambra semble poursuivre l'exploitation Mellin d'avant guerre. La salle se trouve au premier étage d'un immeuble qui comprend des logements au rez de chaussée et au second étage. Le propriétaire des locaux est M. Mellin-Decourcelles, mais le directeur de l'établissement est Humbary Davies, également gérant de l'Apollo. La salle peut accueillir 468 spectateurs. Mais elle est loin de remplir les conditions élémentaires de sécurité. En décembre 1928, le sous-préfet de Béthune s'inquiète auprès de son supérieur de l'état de cette salle suite aux demandes du maire Adolphe Charlon qui ne souhaite pas intervenir personnellement pour des raisons d'ordre local. Aussi, une commission de sécurité publique est envoyée visiter l'Alhambra, ainsi que les autres salles héninoises le 19 janvier 1929. Cette Commission, présidée par le maire, est composée du commissaire de police, du capitaine des sapeurs-pompiers et du directeur des travaux municipaux. Elle juge l'impossibilité d'évacuer en cas de panique à cause de la petitesse des couloirs latéraux et de l'insuffisance de la largeur des portes de sortie. La Commission craint des scènes de piétinement de la foule en cas d'évacuation dans les escaliers, l'établissement étant au premier étage. La salle est alors qualifiée de dangereuse pour les spectateurs. En mai 1929, une Commission des bâtiments civils souhaite diminuer le nombre de places et modifier les escaliers. La procédure poursuit son cours et, les travaux n'étant pas effectués, le maire décide par arrêté de fermer la salle à partir du 14 avril 1931. Elle ne rouvrira plus.
C'est en 1928 que Germain Larivière succède à son père Jules-Ernest à la tête du commerce familial, le Cinéma Français, situé 8 rue Jules Guesde, ainsi que l'estaminet qui le juxtapose. Propriété du brasseur Joseph Gourlet, cet ancien hangar construit vers 1890, devient un cinéma à l'initiative de son locataire Jules-Ernest Larivière en 1906. D'une longueur de 22 mètres sur une largeur de 14, la salle peut recevoir 800 spectateurs issus principalement d'un milieu ouvrier, provenant essentiellement de la Cité de la Perche. Accueilli lors des trois séances régulières par semaine par un personnel de six membres masculins, le public découvre les péripéties de Charlot, Laurel et Hardy, et les actualités Éclair. Né le 27 décembre 1899 à Lens, Germain Larivière aide son père dès l'age de sept ans. Il poursuit quelques études sur le fonctionnement de l'électricité puis maîtrise rapidement la cabine de projection. Il se marie ensuite avec Marguerite Gambier. Suite à la même Commission locale de janvier 1929, le Cinéma Français doit revoir ses installations. La disposition des couloirs est mauvaise et, en cas d'incendie, le public serait rapidement asphyxié. La Commission exige la construction d'un nouvel escalier puis le dégagement du balcon, l'élargissement des portes de sortie, la diminution du nombre de sièges et le remplacement des bancs par des fauteuils à bascule fixés au plancher. En juin 1932, la municipalité menace de sanctionner le Cinéma Français. Larivière fait les transformations nécessaires au cours de l'été 1932. Les bancs laissent la place à des sièges en bois à « claquettes » et des escaliers sont aménagés. Germain Larivière poursuit ses investissements : il change de projecteur et adopte le parlant. Il sauve son cinéma.
Bâti sur la place Loubet, futur place Wagon, l'Apollo apparaît dès 1919. Dirigé par un écossais Humbary Davies, également gérant de l'Alhambra, la salle ressemble à un baraquement entièrement en planches avec un revêtement extérieur en tôles usagées. Avec 936 places, c'est le plus vaste cinéma de la ville. Davies devance la Commission de sécurité en achetant à la ville le 25 septembre 1928 le terrain de ce qui va devenir le cinéma Apollo, connu jusqu'à l'incendie de 1985. La déclaration des travaux de construction d'une salle de cinéma est faite à la mairie le 20 avril 1929. Le 23 octobre de la même année, le nouvel Apollo est inauguré. Plus vaste avec 1100 personnes assis sur des sièges en rembourrages et accueilli par un personnel de quatorze employés. La salle se dote des dernières innovations techniques et le projecteur utilisé est de marque Western Electric. L'ancien cinéma en tôles ondulées est transformé en salle de danse et le succès est complet, vidant les autres salles existantes : le Palais de fleurs, le Dancing Palace... L'Apollo devient alors un haut lieu de la société héninoise : après l'émerveillement à la vision des drames, des comédies et des actualités du Pathé-Journal, le public peut s'enivrer dans la danse et la musique. En 1933, la publicité de l'Apollo est une chanson publiée dans l'Hebdomadaire d'Hénin-Carvin le 28 mai 1933 :

« Pour être heureux :
Pour être heureux chaq'semaine
Il faut v'nir à l'Apollo
Fredonner toute la s'maine
Tous les airs les plus nouveaux
Au cinéma, c'est une veine!
Car les films sont les plus beaux
Pour être heureux chaq'semaine
Il faut v'nir à l'Apollo ».

A la fin des années 1920, un nouveau cinéma apparaît. Initialement conçu pour servir de salle de bal, le Familia, futur Capitole, avait été construit à l'initiative de M.Lompres au début du siècle. Après avoir été transformée un moment en salle de patinage, M.Tonnoir décide d'en faire un cinéma : le Familia. En 1933, cette salle change de nom et de gérant : M. Léon Cochon résidant à Tourcoing et propriétaire du Rex également à Tourcoing, fait du Familia le Capitole lors de la ducasse de septembre. Il souhaite offrir aux spectateurs un confort maximum en proposant 960 places aux sièges rembourrés avec un personnel de cinq employés.
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2) Les cinémas à Hénin-Beaumont de 1939 à aujourd'hui

Si l'on fait le point avant la seconde déflagration mondiale, l'année 1938 voit certainement l'apogée du cinéma héninois d'avant guerre. Les trois salles les plus importantes : Apollo, Capitole et Caméo ont alors une capacité totale de 2.860 places. Au rythme des séances et des mois, elles accueillent en 1938, 258.566 spectateurs,soit 4.972 en moyenne par semaine pour la vision totale de 339 films. Le cinéma est alors un véritable loisir de masse. La population héninoise se compose alors de 23.000 âmes. Si, bien sur, l'on considère que seuls les héninois fréquentent leurs cinémas, ce qui n'est pas tout à fait faux puisque les villes alentours possèdent alors leurs propres salles, chaque habitant d'Hénin a fréquenté, en moyenne,un peu plus de onze fois les cinémas. Sur cette somme, c'est l'Apollo qui attire le plus des spectateurs. Avec une clientèle de 148.200 personnes, la salle représente 57,3% du marché héninois,

La séance de cinéma est alors particulièrement longue. Il y a souvent une première partie avec une vue comique puis un ou deux documentaires et les actualités de la semaine. Parfois l'entracte permet de voir les attractions de music-hall. Puis vient le grand film. C'est bien sur en fin de semaine que le cinéma ouvre ses portes. Le samedi soir est particulièrement la séances des jeunes gens. Le dimanche après-midi attire les familles et le jeudi grâce au demi-tarif, le cinéma joue les nurses.
Mais le temps des plaisirs et des distractions prend fin et un nouveau conflit s'annonce. Mentionnons auparavant l'existence de deux autres salles qui appartiennent au clergé et qui par conséquent répondent à une logique autre que commerciale : le cinéma Saint-Henry, situé cité Darcy qui ouvre en août 1933, et le Rex, boulevard Schumann.

Lors des premiers mois de nouveau conflit, les salles héninoises n'échappent pas au bouleversement. Dès novembre 1939, le sujet britannique Humbary Davies nomme gérante sa secrétaire comptable Julienne Gemgembre. L'acte est officialisé par le notaire René Six. Elle reste a ce poste jusqu'en 1948 afin d'administrer la salle. En 1940, l'Apollo diffuse 85 films et attire 97.000 spectateurs. Mobilisé, Germain Larivière est fait prisonnier de guerre de juin 1940 à avril 1941. A son retour, il poursuit l'exploitation, donnant à la population un certain réconfort moral. La salle de Léon Cochon, le Capitole, est endommagée par les bombardements au début du conflit. A 64 ans, en mai 1943, Léon Cochon, malade et en convalescence à Nice, transmet la gestion de la salle à son fils Louis, âgé alors de 39 ans.
Malgré les contraintes du couvre-feu, les restrictions en électricité et la peur de la réquisition par l'occupant, les salles obscures deviennent les seuls lieux de distraction pour une population déprimée. Par sanction des autorités allemandes, toutes les salles sont fermées à dater du 29 juillet 1944.
En juin 1948, Humbary Davies est de retour à Hénin. Résidant dorénavant rue du Général de Gaulle à Beaumont, il reprend la direction de l'Apollo. Mais dès juillet 1951, il cède la salle au réseau Ghéldorf, centré sur Roubaix, également gérant du Majestic de Carvin et du Cantin de Lens. Riche de trente-cinq salles, ce circuit est l'un des trois grands de la région, avec les cinémas Bertrand et le réseau Deconninck.
En février 1953, le Cinéma Français change également de propriétaire : Germain Larivière le cède à Gilbert Meurice. Originaire de l'Avesnois, ce dernier dirige déjà deux cinémas dans le Nord dans l'immédiat après-guerre. Nouveau gérant, il rebaptise la salle le Caméo et devient le cinéma des « deuxième visions ». Les films, passant d'abord en exclusivité à l'Apollo ou au Capitole, sont, quelques semaines plus tard, à l'affiche au Caméo.
Le Capitole n'est pas à l'abri de la restructuration de l'exploitation héninoise. Le 30 décembre 1953, Louis Cochon signe un accord avec la société Bertrand pour la gestion commune de la salle. Il compte ainsi profiter de l'expérience de ce réseau de salles dirigé par Roland Bertrand, et fortement implanté dans les principales villes du bassin minier avec l'Apollo de Lens,... Après rénovation, la salle offre encore 800 places. Les comédies attirent le public au Capitole qui doit souvent refuser des spectateurs. On peut alors réserver sa place à l'année, le public étant constitué d'habitués. Le cinéma est alors un mode de vie, le premier loisir des français. Après des records de fréquentation en 1947 et 1956 – 1957, le public va peu à peu refluer, rapidement séduit par la télévision qui apparaît très tôt dans les foyers du Nord. L'émetteur de Lille fonctionne dès 1954.
A nouveau, Apollo et Caméo changent de propriétaires. En avril 1973, alors que la diminution de la fréquentation s'amplifie, les 868 places de l'Apollo quittent le circuit Gueldof au profit d'une héninoise, Christiane Lemire. Resté propriété de Gilbert Meurice, le Caméo passe toutefois sous la gestion de Francis Eripret en octobre 1964, puis dix ans plus tard, la direction de la salle est confiée à Pierre Hugot et Alain Florecq. Mais le déclin est irrémédiable. Au cours des années soixante-dix, les méthodes d'exploitation se modifient. La télévision triomphe et le nombre de récepteurs s'accroit. La couleur se généralise, les programmes s'étoffent, de nouvelles chaînes arrivent et le divertissement est dorénavant à domicile. Les directeurs de salles modifient leur stratégie en multipliant les films à l'affiche. Les grands cinémas sont dépecés, fractionnés en petites salles. En juillet 1979, Mme Lemire fait de l'Apollo un complexe de trois salles : Apollo I de 386 places, Apollo II de 117 places et Apollo III de 91 places.
Le 11 novembre 1979, le Capitole projette son dernier film : « Piranhas ». Trop grande pour être rentable, mais pas assez pour être transformé en multi-salles, la société Bertrand cède le Capitole à la municipalité qui souhaite le transformer en une salle polyvalente pour les gymnastes ou les musiciens. Le Capitole est le premier cinéma d'Hénin à éteindre le projecteur. Quelques années plus tard, alors qu'il ne propose plus que des films de karaté et d'horreur, le Caméo ferme définitivement ses portes le 27 novembre 1984; victime de la logique du marché.
Quelques mois plus tard, dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 mai 1985, un incendie se déclare mystérieusement à l'Apollo. Quelques heures après la projection du film « Amadeus » de Milos Forman, le feu se déclare à une heure du matin. Le journaliste de Nord-Matin nous apprend que trois foyers ont été allumés de main criminelle : l'un dans le hall, le second dans la salle principale et le troisième derrière l'écran ou une bouteille d'alcool et une boite d'allumettes ont été retrouvées intactes. Déjà, en 1962, un incendie, vite maitrisé, s'était déclaré. L'enquête piétine, et la salle obscure ou des milliers d'héninois ont rêvé, ont vécu dur grand écran des histoires s'identifiant aux héros, et ou des couples se sont rencontrés, fait rapidement place à un supermarché, nouveau temple de l'aventure humaine.

Aujourd'hui, le Caméo est devenu une épicerie solidaire, l'Apollo n'est plus, et le Capitole, détruit a fait place a une résidence nommée... le Capitole. Cette dernière salle a pendant vingt ans et à l'abandon, tombant lentement en ruine avec, même avant l'instant fatidique de sa destruction, des sièges et un écran.

En 1991, cela fait six ans que les 26.000 habitants d'Hénin, mais aussi ceux des villes alentours, sont privés de cinémas. Parce qu'une salle de cinéma est le témoin de la vitalité et du dynamisme d'un centre-ville, parce qu'elle est un pôle de divertissement et de culture indispensable, parce qu'elle attire dorénavant des spectateurs potentiels qui ne se contentent plus de la télé et que le commerce local profite des retombées de ces spectateurs, la municipalité, face à ce manque et à ce besoin, décide la construction d'un complexe de trois salles au cœur de la ville. C'est à M. Hubert cornu, autrefois employé au cinéma Capitole, que l'on doit le nom du futur complexe, inauguré avec faste et en la présence de nombreuses vedettes, comme Miou-Miou, le samedi 7 décembre 1991. Doté des derniers perfectionnements techniques et, mais pour un temps, du plus grand écran de la région, les trois salles de l'Espace Lumière séduisent rapidement les héninois et les habitants des communes voisines. Les spectateurs s'approprient cet établissement cinématographique, géré indépendamment des grands circuits nationaux. Un nouvel espace de vie, de convivialité et de sociabilité prend ainsi son essor, et devient le symbole de la poursuite de l'exploitation du Septième Art à Hénin-Beaumont, en espérant, dans l'avenir, être protégé des grands changements actuels, afin de rester la fierté et la propriété des héninois et des spectateurs.
Mais Hénin n'échappe pas à la rapide transformation qui touche l'exploitation cinématographique à la fin du siècle dernier. A l'instar des grands centres urbains, tant régionaux que hexagonaux, la ville accepte en décembre 1997 l'installation d'un multiplexe cinématographique d'une importante société de production-distribution, le géant Gaumont, en périphérie, près du centre commercial Auchan de Noyelles-Godault, reléguant ainsi le Septième Art au rang de simple consommation de masse. La carte de l'implantation cinématographique à Hénin se trouve ainsi radicalement changé. Alors que depuis un siècle, l'exploitation était concentrée en centre-ville, le multiplexe va changer la donne en plaçant la consommation de cinéma en périphérie. Gaumont fait passer l'exploitation cinématographique à Hénin à une vitesse supérieure puisque le marché visé concerne une vaste partie de l'ancien bassin minier allant de Douai à Avion, d'Arras à Seclin. La position géographique du multiplexe, à l'embranchement de l'autoroute, est profitable au succès et à la réussite d'une telle entreprise. Les autres exemples d'implantation de ce genre montrent qu'elles sont stimulantes en tant que moteur de développement d'une zone marchande périphérique. L'ouverture d'un tel site menace aussi directement l'ensemble des cinémas des environs : l'Espace Lumière d'Hénin-Beaumont, l'Apollo de Lens, le Familia d'Avion, le Concorde de Noyelles-Godault... Mais les nombreux projets de construction de multiplexe, tels que celui de Douai, le Pathé de Liévin ou dans la zone nord d'Arras, pourrait aviver la concurrence et restreindre le marché potentiel de spectateurs visés, malgré les prévisions à la hausse de la demande.
La construction du nouveau temple du cinéma héninois est rapide, s'étendant sur quelques mois seulement. Elle répond à de nouveaux critères d'élaboration : uniformisation et standardisation de l'architecture, transformant la simple salle de cinéma en bunker bétonné, triste à la vue. D'une superficie de 6 200 m2, pouvant accueillir un total de 2 400 spectateurs dans 12 salles, le site ouvre en avril 1999. Par cette arrivée, la municipalité pense dynamiser et valoriser un nouveau quartier en devenir, le Bord des Eaux, grâce à l'implantation d'activités induites et connexes (restauration, loisirs...) qui serait profitable à la jeunesse à la recherche d'un lieu de loisirs. Mais en premier lieu, c'est d'abord au centre commercial et à la société Gaumont que profitera le nouveau complexe, la municipalité ne bénéficiant pour le moment que des retombées fiscales.
Le problème principal que pose l'arrivée d'un tel site reste alors le devenir des trois salles du centre-ville. La municipalité est restée floue dans les perspectives d'avenir de l'Espace Lumière. Il semblerait que les trois salles, encore toutes récentes et toujours équipées des dernières innovations techniques, feraient l'objet d'un troc, passant de la gestion d'un directeur indépendant à celle du géant du cinéma français. Les édiles municipaux souhaitent que le complexe de centre-ville ne soit pas étouffer par celui du Bord des Eaux, en proposant la carte de la complémentarité : les petites salles accueillant les films plus intimistes et plus « culturels » alors que le multiplexe se réserverait les grosses productions dans un souci de rentabilité maximale.
Mais avec cette installation, Hénin va en fait sacrifier ses trois salles de centre-ville. Que faire du cinéma de centre-ville crée pourtant il y a peu et pour lequel le maire avait paradé lors d’une cérémonie des Césars, remerciant la grande famille du cinéma et l’Etat. Que faire du complexe Lumière construit avec l’argent du contribuable héninois et maintenant devenu gênant ? Très simple pour le maire aux idées simplistes : on le met dans la corbeille de la mariée en l’offrant au nouveau géant du cinéma. Mais les gérants de multiplexes qui se veulent être le soutien des petites salles de centre-ville sont aussi des industriels avant tout, et cette préoccupation semble être plutôt le baiser de Judas comme l’atteste ce qui va se passer : le directeur général de Gaumont, Jean-Louis Renoux, la main sur le cœur et la sensibilité dégoulinante affirme en avril 1999 s’être engagé de garder les salles du centre-ville « offerte en cadeau » par la municipalité pour une durée de dix ans… C’était plutôt l’affaire de dix mois. Les grands patrons n’ont décidément pas de respect pour leur engagement. Cependant, quatre ans après l’ouverture, le Gaumont héninois est victime de la concurrence et de la logique de marché. En effet, après l’entente commerciale qui se termine par une fusion spectaculaire entre Gaumont et son rival légendaire Pathé, le nouveau géant de la distribution de films se trouve en position dominante dans le bassin minier causé par le multiplexe de la firme au coq situé à Liévin. Suivant les lois en vigueur, la nouvelle société doit céder son complexe de Hénin, vendu à la SOREDIC ( Société Rennaise de Diffusion Cinématographique ), nouvelle venue dans le paysage cinématographique du Nord. En effet, comme son nom l’indique le nouveau groupe est originaire du grand-ouest, gérant depuis 1975 un parc de 74 salles dans les villes de l’ouest et oriente sa stratégie dans un développement sur tout le pays. Ainsi, le Gaumont d'Hénin-Beaumont devient dorénavant le Cinéville, alors que l'Espace Lumière redevient municipal en 2002.
Mars 2009, après dix-huit ans de vie tumultueuse, balancé entre des équipes municipales inefficaces et un complexe ayant sa propre logique, l'Espace Lumière tire sa révérence. Aujourd'hui, le site est intact, prêt à redémarrer. Mais peu à peu, le vaste édifice inoccupé va prendre lentement le chemin de l'abandon, devenant le symbole d'une ville qui dépérit.

Sources et documentation :
Archives départementales du Pas-de-Calais
Le Journal d'Hénin-Liétard [hebdomadaire héninois du début du siècle]
La Voix du Nord
Nord-Matin
Héninfos [journal municipal qui a évoquait l'arrivée du Gaumont]
Archives du C.N.C. Lille (Merci M. Tavernier !!)
Souvenirs personnels de MM Cornu et Tétin

Ce texte, et l'ensemble de l'histoire de l'exploitation cinématographique à Hénin-Beaumont publiée précédemment, a été lu lors d'une conférence organisée par l'association historique d'Hénin-Beaumont, Hennium en mai 1998. La fin est une récente mise à jour.
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>>Fin de citation


Sources Bibliographiques :

.http://cinemasdunord.blogspot.com/2009/10/les-cinemas-henin-beaumont-de-1939.html

Crédit photographique :

http://cinemasdunord.blogspot.com/2009/10/les-cinemas-henin-beaumont-de-1939.html


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